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Rayon de lune
17 mai 2008

Ecrire ?

Je ne prétends pas détenir la vérité. J’écris parce que cela me semble nécessaire. L’idée de raconter une histoire m’horrifie : la gratuité de la fiction me laisse entrevoir la vanité de nos divertissements. Aligner des mots les uns à la suite des autres revient à répéter des combinaisons déjà effectuées par d’autres. Le réel est ailleurs, il se cache au-delà des mots, et je ne sais pas le saisir. C’est pourquoi écrire en prose me terrifie. Lisant un texte, je sais en souligner les incohérences, et relever les choses qui me gênent. Mais écrire est une autre histoire. A partir du moment où je prends le risque de coucher des idées sur le papier, je me sens affreusement maladroite et prise au piège. Surprise en flagrant délit d’impudeur ou de mensonge. C’est comme se jeter en pâture aux lions dans l’arène. Le danger est trop grand et je n’arrive guère à m’y résoudre. Le langage est tellement codé, tellement plein d’automatismes, comment peut-on espérer faire œuvre originale ? Je ne sais écrire qu’en vers, parce que seul le langage poétique me permet de dilater le sens des choses.

L’histoire n’est qu’un support dont la densité doit être suffisante pour résonner en chacun des sujets qui la lira. « Je » est le protagoniste anonyme et universel de toute fiction réelle, c’est-à-dire qui se donne à lire comme plus vraie que la réalité. Ecrire sans avoir quelque chose à dire est pure vanité. L’idéal serait de ne parler que de l’indicible, de tout ce qui ne se donne pas immédiatement et facilement : les sensations, les sentiments, les émotions, non pas décrits de l’extérieur et de manière mécanique, mais de l’intérieur, par petites touches, donner à voir les choses dans leur simplicité et leur vérité. Par vérité, j’entends en décrivant le plus sincèrement possible la façon dont nous pensons les saisir.

La vérité n’existe pas : ce n’est qu’une référence vague par rapport à laquelle on se situe, une sorte de point de repère, mais si incertain, si lointain, qu’on ne peut guère envisager de s’appuyer sur lui. C’est d’ailleurs ce qui rend si fascinante la littérature : quelques fragments de vérité, éphémères puisqu’ils ne sont validés que par une expérience particulière, par le ressenti né d’un vécu personnel, parce que la coïncidence avec ces fragments peut être effective ou ne jamais se produire. Mais c’est pourtant à travers ces fragments qu’on frôle l’Absolu. Et c’est précisément parce qu’il ne se donne jamais entièrement que la littérature existe. Toutefois, ma réflexion pourrait aussi s’appliquer à toute forme d’art. Un tableau qui reproduirait de façon mimétique la réalité ne provoquerait qu’un enthousiasme dû à la prouesse technique réalisée, tout réside dans le subtil compromis né du regard de l’artiste et de la connivence qu’il crée avec son public. Mais comment maintenir ce compromis de manière équilibrée tout au long d’une œuvre. J’ai l’impression qu’on ne peut pas épurer une œuvre au point de la rendre tout entière absolue, il reste toujours des scories, dues aux automatismes langagiers, qu’on ne peut pas totalement évacuer. Mais je me demande dans quelle mesure ces résidus participent de l’unicité de l’œuvre d’art : ne peut-on pas aussi voir en eux sa spécificité subjective ?

            D’habitude, je répugne à développer ce genre de réflexions, c’est l’un des grands problèmes de la pensée humaine (qui rejoint d’ailleurs ce que je disais au début sur la littérature), on a l’impression que tout a déjà été pensé. La plupart des réflexions que je développe ici sont nées de mes lectures, je me suis réapproprié le point de vue de certains auteurs, je ne suis donc qu’un énième porte-parole maladroit. J’ai l’impression de répéter et de travestir les propos de gens plus intelligents et plus érudits que moi ; et en même temps, je ne vois pas comment faire autrement. Dans la jungle foisonnante des connaissances humaines, il est difficile de faire son chemin. L’idéal serait de tout connaître pour pouvoir exprimer une pensée subjective, qui serait la synthèse réfléchie de notre héritage culturel. Mais tout savoir est parcellaire, et même les plus grands penseurs sont humains, donc susceptibles de se tromper.

Je n’ai jamais eu confiance en moi parce que je n’ai jamais été sûre de la fiabilité de mes pensées, de mes décisions. Je déteste prendre parti, il me semble que choisir revient toujours à réduire le champ des possibilités, donc nécessairement à s’éloigner de la vérité. On parle de « trancher » une question, ce verbe est en soi assez violent, cela revient à amputer la vérité de l’un de ses aspects. Chaque problème peut être envisagé sous deux angles radicalement contraires, validant chacun une thèse opposée.

Tout ça pour dire que je n’arrive pas à écrire parce que j’ai trop de doutes. Mais je sais pertinemment en même temps que si je n’en avais pas, je serais probablement encore plus dans l’erreur…

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Commentaires
K
Il n'y a que les sots qui ont des certitudes.<br /> Nous écrivons notre ressenti et même si les mots<br /> que nous utilisons l'ont déjà été, et peut-être<br /> avec davantage de talent que le nôtre, ce sont ceux de la vie et du coeur.<br /> Louise Ackermann a écrit : "Pour écrire en prose, il faut absolument avoir quelque chose à dire; pour écrire en vers ce n'est pas indispensable."<br /> Et Mallarmé d'écrire aussi : "Ce n'est pas avec des idées qu'on fait des vers mais avec des mots".<br /> Au plaisir de te lire.
F
Oh bah c'est trèe joliment écris je vois que tu cherches au plus profond de toi ta voix sur l'écriture. Je pourrais pas dire de telle chose comme cela Touti en écrit mais te lire donne envie de faire comme toi mais je n'ai point ta prose mademoiselle ^^
M
Hello Touti<br /> <br /> Je viens de voir ton post sur ma chronique de Ken Bruen sur Millefeuilles, le blog de Fluctuat.net.<br /> <br /> Désolé de ne pas avoir répondu plus vite... <br /> <br /> Si tu passes sur Flu' tu verras le même texte que je te poste là (et qui n'a rien à voir avec les très belles reflexions que tu partages avec nous, mais c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour te joindre)<br /> <br /> En polar, pusique telle était ta question, je te conseil (donc), les excellents polars de Jason Starr (qui vient de sortir un livre à quatre mains avec ... Bruen justement !) : Sombres Desseins. <br /> <br /> James Ellroy évidemment, chez Rivages. Les très drôles, Mark Haskell Smith ("A bras raccourcis"), Tim Dorsey (sa série sur la Floride, patrie des dingues chez Rivages aussi) et Carl Hiaasen (l'hilarant et très noir, "Mal de chien", entre autre)<br /> <br /> L'immense James Crumley aussi (le Bob Dylan du polar !), la série des "Dave Robicheaux" d'un autre géant du genre, James Lee Burke, et bien sûr le dernier Bruen (R&B Vixen !) ; ))<br /> <br /> Bonne lecture
T
Comment resister même si je n'ai que peu de temps à un tel débat...<br /> <br /> Première chose pourquoi chercher une vérité parfaite. Dans toute prose et dans les poèmes aussi d'ailleur, il n'y a que la vision partielle d'un auteur sur le monde (question au passage; la vérité existe- t elle intrasequement ?), mais c cela qui est magnifique, c'est l'apport de sa propre vision avec ses doutes, ses contradictions (car l'homme n'est que doute et contradiction ou negation de ces doutes et contradictions ce qui revient au même).<br /> <br /> Le texte n'a pas forcement à être original, il le sera forcement, la question est quelle part de toi es tu prête à mettre (parce que socialement c'est un danger, aucun d'entre nous n'est pret à accepter l'ensemble de la vision d'un autre, qu'elle que soit son ouverture d'esprit, de part le simple fait qu'elle nie une part de nos convictions). <br /> <br /> Sa simple vision du monde (de soi en premier et donc des autres à travers soi) est dejà donc un sujet oh combien interessant. Nous avons tous donc quelque chose à dire.<br /> <br /> Pour ce qui est de la forme, rien ne vient comme ça par magie, c'est la pratique qui te permets d'exprimer ce que tu veux avec le moins de décallage. (Car le langage est un prisme bien délicat et bien limité pour transmettre quelque chose). Ce que je veux dire, c'est que si tu te trouves maladroite ce n'est pas tant par le sujet que par la forme et par ton manque d'entrainement sur ce mode. Mais ça de toute manière si un bon sujet t'aideras (tout comme ton étude des textes), il ne te fera pas tout. Tout le travail est que justement tes maladresses, (vis à vis de quoi d'ailleur ?, es tu sure de savoir ce que tu veux dire, si ce n'est pas le cas comment les voir ?) <br /> <br /> Bon j'ai un peu l'impression de mettre perdu, donc pour moi (c'est mon point de vue) il n'y a pas de vérité ni réelle ni (et encore moins) sur la pensée des personnes. juste de très fortes probabilités qui deviennent usuellement vérité, des concensus collectifs (un peu comme en mécanique quantique). Et surtout elles ne sont pas figées (toute la complexité est de décrire dans une oeuvre figée, un mouvement constant de nos humeur et de nos vérités)<br /> <br /> Bon voila j'ai assez dit n'importe quoi j'espère que ça va bien, j'ai vu sur tes autres postes tu te prennais la tête (alors je veux dire oui il faut parce que sinon tu vas contre ta nature mais point trop n'en faut et essaie d'appréhender ce côté dynamique dans tes réflexions (côté bien connu de tous les scientifique et pourquoi s'en serait il autrement des lois (comme pour la vérité vaste très vaste sujet c'est marrant l'episthémologie) physique et psychique) et profites beaucoup de l'instant actuel ni passé (que sans oublié on peut délaisser) ni un hypothétique futur dont à force de l'attendre il en devient décevant.<br /> <br /> Moi ça roule je me remets à lire de la philo, je crois que cela ce voit. :D
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